Durant mon stage, j’ai vécu de nombreuses expériences tout aussi enrichissantes les unes que les autres. Cependant, je dois dire que mes observations auprès de mon groupe m’ont fait prendre conscience, entre autres, de la méchanceté entre certains élèves. Effectivement, je fus très surprise de voir qu’à l’âge de sept ans, les enfants faisaient déjà face à l’intimidation. Une situation particulière avec un élève de la classe m’a d’ailleurs permise de réfléchir davantage à ce type de violence à l’école.
Comme à chaque son de cloche, après la récréation, Brigitte et moi se tenions à côté des cases pour accueillir les jeunes dans la classe. Bien sûr, il y a toujours des élèves qui viennent nous raconter ce qui s’est passé à la pause : qui a été blessé, qui a dit telle injure à telle personne, etc. Cette fois-là, Sophie et Émilie sont venues dénoncer Gabriel. Il avait apparemment fait du mal à Alexandra, qui se tenait juste à côté d’elles, les yeux tout rouges. De nature plutôt braillarde, Brigitte a eu le réflexe de lui dire de se changer et qu’elle aurait dû régler cela à l’extérieur avec les surveillantes. Lorsque Brigitte est entré dans la classe, elle a questionné le jeune et lui a demandé son agenda afin qu’elle puisse y inscrire un mot aux parents. Il disait, d’un air fâché, que personne ne voulait jouer avec lui, donc il a commencé à courir auprès des filles. C’est alors qu’il aurait fait tomber la fragile Alexandra. Brigitte lui a simplement dit de ne plus recommencer car cela pouvait être dangereux. Elle lui a expliqué que ses gestes vaudraient bien une conséquence et qu’il allait perdre son soleil de la journée (système d’émulation).
Des histoires d’intimidation comme celles-là, il y en a à plus finir, et ce, dès la maternelle! On parle d’intimidation dès qu’il y a violence à répétition avec abus de pouvoir de la part de l’enfant agresseur envers l’enfant agressé (Olweus, 1991)[1]. Par contre, il ne s’agit pas toujours de la violence physique. On compte également beaucoup de violence verbale ou psychologique (humiliation, rejet, surnom, dépréciation, commérages, etc.). Dans le cas de Gabriel, il y avait déjà eu de nombreuses récidives de mauvais comportements sur la cour d’école avec ses camarades de classe. Il détient de nombreux symptômes de l’intimidation : pas beaucoup d’amis, toujours le sentiment d’être rejeté, agressif, [2]etc. Quant à Alexandra, c’est une fille qui n’a pas une très forte personnalité en partant; une banalité peut la faire pleurnicher. C’est le type de victime qui pourrait prendre les remarques très personnelles et cela pourrait devenir très malsain pour son propre développement. Si l’on veut que ce problème de société cesse, il faudrait que tout le monde puisse collaborer en donnant aux jeunes des stratégies efficaces et sécuritaires.
Parmi les cas d’intimidation vécus, la plupart des interventions m’ont semblées incomplètes de la part des adultes responsables. Je comprends que le métier d’enseignant est parfois complexe, à un tel point qu’on ne sait parfois plus où fixer les priorités. Bien que la matière soit importante, l’apprentissage de la vie en communauté est d’autant plus une nécessité dans l’éducation primaire de nos jeunes élèves. À de nombreuses reprises, j’ai été très étonnée de voir les enseignants ignorer les cas d’intimidation. J’avais la réelle impression qu’ils passaient brièvement par-dessus afin de commencer autre chose, qu’ils considéraient plus important. J’avouerais que lorsque c’est toujours les mêmes qui viennent se plaindre, c’est parfois plus fort que nous. On trouve que cela est exagéré et nous sommes portés à croire qu’il n’y a rien de grave. Moi-même, j’avais tendance à me dire que cela était dû à leurs jeunes âges et que ce n’était pas plus dramatique que cela; qu’ils devaient apprendre à régler eux-mêmes leurs problèmes. Je crois ne pas être la seule à avoir eu ces conceptions vu les agissements des enseignants. Par exemple, malgré le dialogue entrepris entre Gabriel et mon enseignante associée, j’ai senti de l’impatience et du non-sérieux de la part de Brigitte. Comme le mentionne Gagné (1996, 2003), un des problèmes majeurs liés à l’intimidation est le silence qui entoure ce phénomène.[3] Il ne faut pas attendre qu’il soit trop tard. Le fait que les jeunes se retournent vers les adultes est déjà un bon début. S’il n’y a jamais personne qui prend leurs dires en considération, ceux-ci risqueraient de ne plus parler de leurs problèmes et de tout garder pour eux. On ne serait donc pas plus avancé…
Tout d’abord, pour éviter qu’Alexandra ne se referme un jour sur elle-même et que l’on puisse rompre le cycle de l’intimidation, il faut écouter toutes les plaintes qu’elle a à faire, même dans les cas qui peuvent sembler insignifiants. Le fait que Sophie et Émilie soient venues dénoncer la situation prouve la complicité de ces jeunes filles. Il aurait été dans le devoir de Brigitte de les féliciter pour avoir eu le courage de faire ces confidences tout en demeurant respectueuses et en ne prenant pas la bagarre pour option. De plus, étant donné que ce n’est pas la première intervention que l’on devait faire à ce sujet, il aurait été bien que Brigitte trouve un temps pour faire une discussion de groupe afin de clarifier le code de vie des Mille-Fleurs ainsi que les conséquences en cas de non-respect des règlements. Dans l’exemple que j’ai mentionné, Brigitte a misé sur le fait que les gestes auraient pu être dangereux. Elle aurait également dû faire comprendre au jeune que ses actes n’étaient pas gentils et que ce n’est certainement pas une méthode pour tisser des liens d’amitié. Aussi, le fait de gratifier les bons gestes est une façon intéressante de remettre les jeunes sur la bonne voie, sans avoir toujours recours à la punition.
D’après moi, le fait d’être toujours sur la défensive et de ne pas laisser la parole aux jeunes ne peut qu’aggraver les choses. Gabriel est un enfant solitaire, qui ne semble pas méchant du tout. D’ailleurs, selon plusieurs chercheurs et intervenants du milieu scolaire, l’enfant qui intimide n’est pas nécessairement quelqu’un de très «fort». Au contraire, le fait de faire du mal à autrui peut être un moyen pour lui de se défouler et de faire vivre à quelqu’un d’autre ce que lui-même peut subir dans son quotidien. Ce type d’enfant agit souvent de la sorte car il est très malheureux et ne s’est seulement pas comment s’y prendre. Il ne demande qu’à être aidé et comprit, tout comme la victime.
C’est avec le temps que les abus de pouvoir exercés dans les cours de récréation peuvent mener à d’autres formes d’ harcèlement, de violence ou d’abus en vieillissant. Les petits durs des cours d’école peuvent devenir des intimidateurs dans leur milieu de travail et sont davantage susceptibles de faire l’objet de condamnations pour offense criminelle, selon plusieurs recherches.[4] C’est donc un problème à prendre très au sérieux étant donné que ce type de comportement ne disparaît pas de lui-même; pire encore, il s’aggrave souvent au fil du temps. Les statistiques confirment d’ailleurs les conséquences dévastatrices pour l’estime et le bien-être, physique, social et affectif de l’enfant qui subit les scènes d’intimidation.[5]
Finalement, l’intimidation à l’école primaire est un problème beaucoup plus présent que je me l’imaginais au départ. D’après mes lectures à ce sujet et tout ce que j’ai pu observer lors de mon stage, je peux maintenant affirmer que l’intimidation contamine le climat social pour tout le monde et provoque des conséquences à long terme autant pour l’intimidateur que pour la victime. Le jeune qui intimide n’a souvent pas comme objectif de faire du mal à quelqu’un. Il recherche souvent l’attention mais s’y prend d’une très mauvaise manière. Étant une future enseignante, j’aurai pour tâche de ramener ces jeunes vers un comportement acceptable avant qu’il ne soit trop tard. Je crois fermement que les problèmes se règlent toujours mieux dans le calme et l’entente. Je ferai donc tout mon possible pour écouter et aider les jeunes qui en auront de besoin. L’école est comme une deuxième famille et il est primordial pour moi que les jeunes s’y sentent bien. D’ailleurs, c’est à partir de ce moment que les jeunes peuvent se motiver à se rendre à l’école et hausser leurs résultats.
[1] GOUPIL, Georgette(2007). Les élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur. La chenelière Éducation, p.176
[2] LAMBERT, Mia (Jeunesse J’écoute). Quand l'école devient...l'enfer! (En ligne), http://www.infobourg.com/sections/actualite/actualite.php?id=7531 (Page consultée le 22/04/09)
[3] GOUPIL, Georgette(2007). Les élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur. La chenelière Éducation, p.176
[4] Conseil canadien de la sécurité, (En ligne), http://www.safety-council.org/CCS/findex.html (page consultée le 23/04/09)
[5] THIBEAULT, Andrée. L’intimidation à l’école, (En ligne), http://www.actualiteenclasse.com/fiches/111.html (page consultée le 22/04/09)